La transition énergétique désigne à la fois l’évolution passée de la répartition des énergies consommées sur la planète (bois, hydroélectricité, charbon, pétrole, , gaz naturel, nucléaire, etc.) et, pour l’avenir, un objectif politique et technique d’une modification structurelle profonde des modes de production et de consommation de l’énergie. C’est l’un des volets de la transition écologique.
La possibilité de changer le niveau de consommation d’énergies et sa répartition entre différents modes résulte des évolutions techniques, des prix et de la disponibilité des ressources énergétiques, mais aussi d’une volonté des populations, des gouvernements, des entreprises, etc. qui souhaitent réduire les effets négatifs de ce secteur sur l’environnement.
Diverses institutions scientifiques, gouvernementales et ONG ont proposé des définitions et scénarios de transition énergétique. Les scénarios envisagés consistent souvent à passer du système énergétique actuel, reposant sur l’utilisation de ressources non renouvelables, vers un mix énergétique recourant principalement à des ressources renouvelables, voire s’appuyant sur une réduction de la consommation. Cela implique d’adopter des alternatives aux combustibles fossiles, ressources limitées et non renouvelables (aux échelles humaines de temps), et de les remplacer par des sources d’énergies renouvelables pour la quasi-totalité des activités humaines (transport, industrie, éclairage, chauffage, etc.).
En Europe occidentale, la majorité des scénarios prévoient aussi de réduire progressivement le recours aux combustibles nucléaires (matières radioactives telles que l’uranium et le plutonium). Une autre version de cette transition, majoritaire dans le reste du monde, encourage des énergies moins émettrices de gaz à effet de serre sans renoncer à l’énergie nucléaire, considérant que la lutte contre le changement climatique sur lequel alerte le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est une priorité.
La transition énergétique comprend aussi une réduction de la demande d’énergie, obtenue notamment au moyen d’une amélioration de la performance des bâtiments et des technologies (efficacité énergétique), et par un changement des modes de vie (sobriété énergétique). C’est donc aussi une transition comportementale et sociotechnique.
Dans son utilisation la plus courante, « transition énergétique » désigne aujourd’hui le défi d’un changement complet dans le volume et les types d’énergies utilisées, dans l’objectif de décarboner le plus rapidement possible l’économie1.
Selon l’historien Jean-Baptiste Fressoz, la notion de transition apparaît aux États-Unis dans les années 19502, la notion de transition énergétique renvoie aujourd’hui principalement à l’immense défi d’une diminution drastique de la consommation énergétique, d’une sobriété en carbone et en énergie3, cela afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, pour limiter l’ampleur de la catastrophe écologique globale en cours.
En 2014, Jean-Baptiste Fressoz affirme « le terme de « transition énergétique » est apparu au milieu des années 1970 pour conjurer les inquiétudes liées à la « crise énergétique », cette dernière expression étant alors dominante. Dire « transition » plutôt que « crise » rendait le futur beaucoup moins anxiogène en l’arrimant à une rationalité planificatrice et gestionnaire »4. Il indique qu’il « a été popularisé dans ce contexte par de puissantes institutions : le Bureau de la planification énergétique américain, la commission trilatérale, la CEE et divers lobbys industriels »4, en particulier sous la présidence de Jimmy Carter, dans un contexte de développement de la liquéfaction du charbon5.
Selon Cécile Maisonneuve, dans sa contribution pour le rapport RAMSES 2016 de l’Institut français des relations internationales, « L’histoire énergétique est celle de transitions successives – bois et vent, puis charbon et pétrole, puis pétrole et électricité… – selon un phénomène cumulatif : il est rare qu’une source d’énergie sorte totalement du bouquet énergétique. C’est ainsi que, fondée à 70 % sur le bois en 1870, la consommation énergétique américaine était dominée par le charbon à 70 % en 1900, puis à 70 % par le pétrole et le gaz en 1960 »6.
En 2012, l’ingénieur Jean-Marc Jancovici estime que « depuis quelques années, le terme de « transition énergétique » est de plus en plus fréquemment employé en Europe, essentiellement en conséquence des négociations climat qui sont devenues une affaire importante dans les années 2000. Par la suite, un nombre grandissant de personnes l’ont également employé :
Selon le militant antinucléaire allemand Henrik Paulitz, le concept inclut également la démocratisation de l’approvisionnement en énergie8. Dans le modèle énergétique traditionnel, le marché est contrôlé par quelques grands groupes disposant de vastes centrales, aboutissant ainsi à une situation d’oligopole discutable sur le plan politique et concurrentiel. Les systèmes fondés sur les énergies renouvelables, au contraire, peuvent en général être déployés de manière décentralisée. À travers des modèles participatifs tels que les parcs éoliens et les parcs solaires citoyens, les habitants peuvent être directement impliqués dans la production d’énergie9.
Certains auteurs comme Tim Jackson pensent que la transition ne viendra pas des États, ou que les communautés locales doivent prendre leur responsabilités et évoluer vers des « Communautés locales bas-carbone » comme à Cheltenham10,11. Les installations photovoltaïques et d’autres alternatives peuvent impliquer des citoyens et de particuliers ainsi que de collectivités (ex. : bâtiments municipaux, de l’État, d’entreprises publiques, etc.) plus facilement que dans le modèle conventionnel qui profite généralement plutôt aux actionnaires. La décentralisation des énergies (renouvelables) peut aussi valoriser des régions et l’espace rural, tout en améliorant la balance commerciale par une diminution des importations d’énergies. Ces énergies jouent un rôle croissant dans les stratégies énergétiques communales et leur développement est soutenu par les collectivités locales, notamment via les schémas régionaux climat air énergie et les plans climat en France.
La transition peut s’étendre sur plusieurs niveaux qui intègrent les dimensions économique, écologique, financière, sociétale et spirituelle et dont les outils se diffusent et se structurent notamment sur internet12.
D’autres enjeux ont pu être liés à ce concept, entre autres passer à un système énergétique plus sûr en termes géostratégique et de risque industriel/nucléaire, d’évoluer vers un système énergétique moins centralisé, et à différentes échelles spatiales d’aménagement : architecturale, urbaine et paysagère13. Ils impliquent aussi une évolution vers une moindre consommation d’énergie (efficacité, efficience énergétique), ce qui devrait aussi diminuer les tensions géopolitiques induites par les inégalités d’accès à l’énergie et par une moindre disponibilité des énergies par personne14, en tendant à l’indépendance énergétique pour tous. Cela permet par ailleurs d’assurer des emplois plus locaux, mieux répartis et moins délocalisables (dans le cas du scénario négaWatt par exemple15).
Il s’agit donc notamment de passer d’énergies dites « carbonées » (pétrole, gaz naturel, charbon), polluantes (incinération) à des énergies plus propres et plus sûres, telles que l’énergie solaire (thermique ou photovoltaïque), éolienne, hydraulique, géothermique et marémotrice ; la biomasse est souvent aussi intégrée au mix énergétique proposé16. Certains acteurs privilégient par ailleurs les modes de production et de distribution décentralisables.
Cela peut prendre la forme d’une mise à jour technologique des installations, par le « repowering » » (remplacement total ou partiel d’une installation pour la rendre plus performante), la rétro-ingénierie (remplacement de composants anciens, par exemple de turbines d’éoliennes, sans changer les caractéristiques de l’engin), ou la réingénierie (remplacement de composants obsolètes, en changeant les caractéristiques techniques de l’installation, en augmentant sa puissance en général). Aux États-Unis, l’EPA a lancé le projet RE-Powering America’s Land visant par exemple l’installation de fermes solaires ou éoliennes sur des « terres marginales »17, des friches polluées ou d’anciens sites miniers18,19.
Ce processus d’évolution (Jeremy Rifkin parle même de « révolution ») tend à combiner la transition énergétique et une révolution du système de l’information, source grâce à l’Internet d’une « troisième révolution industrielle » qui permettrait enfin d’exploiter une ressource diffuse constituée d’une part d’énergies renouvelables, et d’autre part du potentiel d’économie d’énergie. Ce caractère « diffus » n’est plus considéré comme « une faiblesse mais au contraire une force : mieux réparti que toute autre ressource minérale ou fossile, il ne suscitera jamais de conflit géopolitique et autorise même un partage local de la richesse issue de la valorisation du potentiel énergétique de chaque territoire »20.
Les mesures individuelles demandent du temps et sont limitées. Cette transition combine donc les économies d’énergie à l’efficacité énergétique dans les territoires et les villes21 (villes en transition) et à grande échelle, notamment en reconfigurant les réseaux urbains de chaleur22 aux smart grids (ex. : des compteurs électriques intelligents permettent de décaler certaines consommations à une heure où l’électricité est plus disponible et moins chère, et l’énergie est produite plus localement). À de vastes échelles, des projets non décentralisée tels que Desertec visent à étendre massivement, en Europe du Sud, en Afrique du Nord et au Proche-Orient, une production d’électricité obtenue à partir de la chaleur solaire. Un réseau de transport d’électricité interconnecté et « intelligent » compenserait en grande partie le caractère localement erratique des énergies éolienne et solaire, grâce à des ajustements permis par le surplus produits ailleurs et quelques moyens de stockage tampon. La rentabilité et la faisabilité de tels projets sont étudiées.
L’historien Jean-Baptiste Fressoz affirme que la notion de transition énergétique passée est un mythe23, et que les sociétés humaines n’ont pas remplacé leurs anciennes sources d’énergie primaire par de nouvelles, mais qu’elles les ont additionnées au fur et à mesure. Selon lui, la seule transition est celle de l’importance relative des formes d’énergie : « on ne passe pas du bois au charbon, puis du charbon au pétrole, puis du pétrole au nucléaire. (…) L’erreur de perspective tient à la confusion entre relatif et absolu, entre local et global : si, au xxe siècle, l’usage du charbon décroît relativement au pétrole, il reste que sa consommation croît continûment, et que globalement, on n’en a jamais autant brûlé qu’en 2013 »4. Selon Fressoz, il faudrait ainsi parler d’« additions énergétiques » au lieu de « transition énergétique ». Cela d’autant plus que « les sources d’énergies entrent en symbiose autant qu’en concurrence » ; ainsi du développement du charbon au xixe siècle, qui accroît la consommation de bois, utile à son extraction, tout comme le pétrole stimule l’extraction de la houille, indispensable pour bâtir le nouveau réseau technique : tankers, pipelines, raffineries, automobiles et donc sidérurgie, routes et donc ciment (faisant du pétrole un « allié » du charbon)2.
Selon Fressoz, les descriptions historiques de « transitions énergétiques » et la perception « phasiste » de l’histoire de l’énergie, qui voit par exemple le charbon du xixe siècle suivi par le pétrole du xxe siècle, ne viennent pas d’historiens qui s’intéressent au passé mais du milieu de la prospective énergétique, qui cherche à décrire le futur. Ce milieu serait très influencé, notamment par celui de la recherche nucléaire, dont la Commission de l’énergie atomique des États-Unis, et par des entreprises d’énergies fossiles comme ExxonMobil2.
Le rapport annuel 2022 du réseau international des énergies renouvelables REN21 conclut que « la transition énergétique n’a pas lieu ». « Le système énergétique continue d’être largement dominé par les énergies fossiles, à des niveaux quasi similaires à ce qu’ils étaient il y a une dizaine d’années », malgré la hausse inédite des capacités de production de l’éolien et du solaire. Ainsi, la croissance de la demande en énergie (+ 4 % en 2021), notamment dans les pays émergents en Afrique et en Asie, et une grande partie de ces besoins a été comblée par un recours accru au charbon et au gaz naturel. Les émissions globales de dioxyde de carbone (CO2), dont les trois quarts sont liées au secteur de l’énergie, se sont ainsi accrues de 6 %24.
Dans son rapport de 2019 sur les investissements dans l’énergie, l’Agence internationale de l’énergie conclut : « On ne trouve dans les données guère de signes d’une réallocation majeure des investissements en ligne avec l’accord de Paris sur le climat. Bien que les coûts baissent dans certaines régions, l’activité dans l’approvisionnement bas carbone stagne, en partie du fait d’une volonté politique insuffisante ; la part de l’investissement bas carbone stagne, notamment en raison de politiques insuffisantes visant les risques persistants. Dans le scénario de développement durable, la part de l’investissement bas carbone passe à 65 % en 2030, mais progresser depuis la part actuelle de 35 % exigerait un changement radical de politique, de nouvelles solutions de financement […] et des progrès techniques plus rapides, en plus de dépenses constantes dans les réseaux électriques25. »
En 2019, dans son premier rapport sur le nucléaire en près de vingt ans, l’Agence internationale de l’énergie s’inquiète de l’avenir incertain des centrales nucléaires dans les pays développés, qui pourraient perdre 25 % de leur capacité nucléaire d’ici à 2025 et plus des deux tiers d’ici à 2040, notamment en Europe et aux États-Unis. Cette perte pourrait se traduire par le rejet de quatre milliards de tonnes de CO2 additionnelles dans l’atmosphère du fait de l’utilisation, en remplacement, de moyens de production plus émetteurs en dioxyde de carbone et freiner la transition écologique. Le rapport indique que la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes nécessite des investissements importants : entre cinq cents millions et un milliard de dollars pour prolonger de dix ans une capacité de production d’un gigawatt ; mais ce coût reste concurrentiel par rapport aux autres technologies de production d’électricité, y compris le solaire et l’éolien, et tendrait à favoriser une transition énergétique plus sûre et moins perturbante26. Le rapport conclut : « sans investissements dans le nucléaire, la réalisation d’un système énergétique durable sera beaucoup plus difficile […] compenser une diminution du nucléaire par une augmentation des renouvelables coûterait plus cher27. »
Un rapport publié le par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE)28 révèle que les projets en cours d’extraction de combustibles conduiraient à une augmentation de 2 % par an de leur production alors qu’il faudrait la réduire de 6 % par an entre 2020 et 2030 pour espérer atteindre l’objectif fixé par l’Accord de Paris sur le climat de ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement à la fin du siècle. Les États du G20 ont mobilisé 233 milliards de dollars d’aides publiques en faveur des activités dépendantes des ressources fossiles contre 146 milliards pour celles qui préservent le climat et l’environnement ; aux États-Unis, sur les 100 milliards de dollars d’aides publiques identifiés par le rapport, environ les deux-tiers ont été accordés aux secteurs dépendants du charbon, du pétrole et du gaz, le reste revenant aux énergies et aux activités vertes. Les proportions sont inverses en Chine, en Allemagne et en France29.
L’année 2020 a été une année record pour les investissements dans les technologies de la transition énergétique, tandis que ceux consacrés à l’exploration et la production d’hydrocarbures ont touché un point bas en dix ans (380 milliards $, en baisse de 30 % selon le cabinet Rystad Energy) : selon Bloomberg New Energy Finance (BNEF), 501 milliards $ ont été engagés en 2020 dans les énergies renouvelables, le transport électrique, la chaleur électrique, le stockage d’énergie, l’hydrogène et la capture et le stockage du carbone, soit 9 % de plus qu’en 2019, dont 304 milliards $ pour les énergies renouvelables (hors hydraulique), en progression de 2 %. En Europe, les investissements ont progressé de 67 % à 166 milliards $ en 2020, année record pour la vente de véhicules électriques et pour les investissements dans les énergies renouvelables. La capture et le stockage du CO2 ont bénéficié d’investissements massifs et inédits (+212 %)30.
Le Forum économique mondial (FEM) publie en avril 2021 un rapport qui classe les 115 pays étudiés selon leur indice de transition énergétique (ETI) : seuls 13 de ces pays avancent à un rythme satisfaisant pour se décarboner. Les trois premières places reviennent aux pays nordiques : Suède, Norvège et Danemark. La réduction de l’intensité carbone de leur bouquet énergétique y est la plus forte et la plus rapide, grâce à un engagement politique indéfectible pour atteindre un prix de la tonne de CO2 pertinent et à des investissements massifs dans la décarbonation. Seuls trois pays du G20 figurent dans les 20 premières places du classement : le Royaume-Uni (7e), la France (9e) et l’Allemagne (18e). Les États-Unis sont au 24e rang, l’Italie au 27e, le Japon au 36e ; la Chine (68e) et l’Inde (87e) ont fait de gros progrès, mais le charbon continue de peser lourdement dans leur bouquet énergétique alors qu’ils représentent à eux seuls le tiers de la demande mondiale d’énergie. Pékin bénéficie surtout de la réduction de l’intensité énergétique de son économie, et New-Delhi d’avoir mieux ciblé ses subventions et donné un environnement réglementaire plus propice à la transition énergétique31.
Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie sur « l’électricité nucléaire et les transitions énergétiques sûres », publié en juin 2022, prévoit un doublement de la puissance installée des centrales nucléaires, de 413 GW en 2022 à 812 GW en 2050, dans son scénario NZE (neutralité carbone). Il estime que « le nucléaire est bien placé pour contribuer à décarboner la production d’électricité », que « la prolongation de la durée d’exploitation des centrales est indispensable pour aboutir à moindre coût à la neutralité carbone en 2050 », que « moins de nucléaire rendrait les objectifs de neutralité carbone plus difficiles et plus coûteux »32.
Sur l’année 2022, les États et les entreprises ont investi 1 000 milliards de dollars pour la transition énergétique, un montant similaire à celui investi pour les énergies fossiles. Plus précisément, 500 milliards ont permis de financer les énergies renouvelables, 466 milliards l’électrification des transports et le reste dans diverses technologies décarbonées33.
Source Wikipedia
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